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L’incendie de 1990

Notre-Dame brûle !

Les flammes de 1990 ont laissé des cicatrices sur les murs de Notre-Dame Perrier, mais n'ont pas entamé l'âme de cette communauté scolaire.

Si ça ne s'était pas passé en pleine nuit, c'est le cri qui se serait répandu de bouche à oreille dans toute la ville de Châlons à en juger par le nombre de personnes présentes autour de la rue Grande Etape dans la nuit du samedi 20 ou dimanche21 janvier 1990.

Un habitant de la rue Joseph Servas entend du bruit, sort de sa maison et voit le feu démarrer sur la charpente de la chapelle et le dortoir voisin. Un habitant d'une maison voisine du collège est réveillé par son fils qui lui dit qu'il y a un incendie; il va sur le toit et découvre la charpente en feu qui ensuite s'écroule. Heureusement pour lui, les pompiers parviennent à empécher que l'incendie gagne sa demeure. Les pompiers ont du mal à progresser dans les combles à cause des faux plafonds. Par ailleurs la fourniture d'eau demande un certain temps d'installation. Dès son arrivée, Claude Donot, le directeur de l'époque, est allé chercher le Saint Sacrement pour le mettre hors de portée des flammes.

Il évoque alors les problèmes qui allaient se poser avec la disparition des dossiers et de l'accueil avec le téléphone.

Certains dossiers n'ayant pas brûlé mais étant gorgés d'eau ont été pendus comme du linge, feuille par feuille puis passés au fer à repasser !

Il est aussi réconforté par la réaction de professeurs et des parents qui vont former une chaine de solidarité.

À l'origine de l'incendie sans doute un court-circuit sous le clocheton ou le pigeonnier de la chapelle.

La façade était classée au titre des monuments historiques depuis 1938 mais pas le cloitre. Il ne fallait surtout pas qu'il gèle, les murs sont en craie.

Cet incendie fut vraiment un événement diocésain :

  • pas seulement parce que notre évêque fut tout de suite sur les lieux,
  • pas seulement parce que la comptabilité centrale des écoles catholiques du diocèse gérée dans les locaux du collège a fortement souffert du sinistre,
  • pas seulement parce que cet établissement de plus de 1400 élèves à l'époque rayonnait dans tout le diocèse et bien au-dela,
  • pas seulement parce que les locaux qui ont brûlé étaient parmi les plus anciens et les plus liés à l'histoire religieuse du diocèse,

mais aussi et d'abord, me semble-t-il, parce que l'extraordinaire esprit d'entraide, de dévouement et de service s'est manifesté dès les premières heures parmi les membres du corps enseignant, du personnel de service et des parents d'élèves. Ceci prouve que Notre-Dame, si l'on en doutait encore, est bien membre à part entière du courant pastoral de l'église diocésaine d'aujourd'hui: témoigner de Jésus-Christ dans une solidarité pleine et entière.

D'après le journal L'Union et Foi et Vie 1990

 

"Je me souviens encore de la fumée qui s'élevait au-dessus des toits, un spectacle à la fois terrifiant et fascinant. Cet incendie a marqué mon parcours au collège."

 

TÉMOIGNAGE de Monsieur Donot, directeur de 1975 à 1998

Chers Amis,

Nuit du samedi 20 au dimanche 21 janvier 1990

Minuit cinq : le téléphone sonne.

Quel drame en perspective ? Ou plutôt quelle mauvaise farce ?

«Notre-Dame brûle !»

Non, cette fois, la plaisanterie est un peu trop grosse !

Hélas, la qualité de l'interlocuteur ne laissait aucun doute sur la triste réalité. Arrivée rapide sur les lieux, ouverture des portes et du porche aux pompiers ne m'ont pas permis dans un premier temps de réaliser pleinement.

Le toit de la chapelle était complètement embrasé. Un peu plus tard, ce fut le toit du cloitre, rue Grande Etape, puis celui du bâtiment donnant sur la cour des tilleuls. Le feu avançait inexorablement, malgré les moyens énormes déployés par les pompiers. Où allait-il être arrêté ? Les locaux sont tels qu'aucun gros matériel ne peut pénétrer à l'intérieur. Malgré cela, avec une audace et un courage exemplaires, les pompiers munis de lances moyennes n'hésitèrent pas et se déployèrent rapidement dans les étages. Car il fallait se rendre à l'évidence, la chapelle et le clocher étaient condamnés. De grosses lances, rue des Récollets, luttaient contre le feu et contre sa propagation à l'internat et aux maternelles, d'autres étaient en action rue Grande Étape; enfin, rapidement une autre fut installée dans la cour du Collège, près du porche, afin d'essayer d'arréter cet incendie au coupe-feu naturel constitué par les différences de niveau des toitures. Heureusement, il n'y avait pratiquement pas de vent, et après plus de deux heures d'effort, les pompiers arrivèrent à en stopper l'extension. Il leur faudra plus de deux heures encore pour éteindre les foyers intérieurs. Et pendant quarante huit heures les pompiers volontaires des villages voisins se relaieront, prévenant tout risque de reprise de l'incendie, dès qu'une fumée réapparaissait.

Spectacle grandiose s'il en est, mais combien effrayant ! Et tous, impuissants, nous avons vécu des heures d'angoisse, voyant

disparaitre dans les flammes tout un passé auquel nous sommes profondément attachés.

Dès le dimanche matin, ce fut un magnifique élan de solidarité et il allait se poursuivre toute la semaine. Enseignants, personnels, parents, amis, se partagèrent la tâche pour avertir toutes les familles

et participèrent au sauvetage de ce qui pouvait l'être. Une image cocasse dans ce désastre! Un bonnombre de documents

comptables purent être extirpés des décombres, protégés qu'ils furent par la chute de faux plafonds. Alors, pendant trois jours, tout un bataillon de femmes s'activa à les nettoyer, puis à les sécher à l'aide de sèche cheveux et de fers à repasser !

Huit jours plus tard, les branchements du téléphone, de l'éléctricité, du chauffage étaient terminés, les locaux redistribués et réaménagés, les protections demandées par la commission de sécurité mises en place, les cours pouvaient reprendre.

Les conséquences de ce sinistre? Nous perdons l'utilisation de 28 salles dont la chapelle et quatre laboratoires, toutes les salles de réunion, d'accueil, de la comptabilité, toutes les salles de travail des professeurs, le petit réfectoire et l'utilisation de l'internat. Sur ce dernier point, dès le lendemain, la Maison Saint-Joseph nous proposait son ancien foyer de jeunes filles, 40 filles y logent et le lycée Saint Vincent de Paul nous proposait des chambres pour accueillir ou logeant en famille à Chalons.

Quinze autres pensionnaires, les dernières étaient devenues externes, Des bungalow sont installés dans la cour pour l'accueil, l'infirmerie et la salle des professeurs. Le porche, rue Grande Etape, devient l'entrée principale du collège. La chapelle, hélas offre un spectacle de désolation difficilement soutenable.

Il ne reste que les quatre murs: les bancs et les boiseries ont disparu, l'autel et les marches sont broyés, le carrelage est éclaté de partout, la grille est tombée et tordue. Quant aux murs de craie, ils m'inspirent la plus vive inquiétude, bon nombre de moellons se désagrégeant.

Seule la petite chapelle est intacte, autel et tabernacle n'ayant été atteints ni par le feu ni par l'eau; ce qui m'avait permis de retirer le

Saint Sacrement à cinq heures du matin quand, accompagné de Mme Leclère, nous avons pu pénétrer dans la chapelle.

Le premier étage de la partie droite du cloitre donnant sur la rue

Grande Etape est totalement détruit; il faut refaire un plancher et redistribuer les pièces. Au rez-de-chaussée, les parloirs n'ont été atteints que par l'eau et les pièces seront remises en l'état initial.

Le bâtiment XIXe siècle, de la porterie au porche, est très atteint dans les deux étages supérieurs: les anciennes chambres des

sœeurs.

Pourrons-nous le conserver ? Nous ne pouvons le dire aujourd'hui, mais de profondes fissures nous inquiètent sérieusement.

Quel avenir maintenant ? Après les conclusions des experts, il nous faudra envisager la reconstruction. La réfection de la toiture de l'internat débute dès ce début mars, afin que tous les travaux de rénovation intérieure de cette partie soient achevés pour la rentrée de septembre. Les autres travaux seront entrepris dès que possible.

Remettre en état la partie ancienne et la chapelle, aménager l'ensemble des locaux vont nous couter certainement très cher.

Mais quel sera exactement l'ampleur des travaux nécessités par la chapelle ?

Pourrons-nous faire reforger une grille identique et faire sculpter des boiseries semblables et à quel prix ? Je ne le sais. Une association d'ailleurs est créée, recueillant les dons que les particuliers veulent voir tout spécialement affectés à la remise en état de la chapelle et du cloitre. Car méme, si nous sommes correctement assures, je ne sais si tout ce patrimoine pourra être estimé à sa juste valeur.

Voilà un état des lieux bien triste, il est vrai. Mais j'ai préféré vous dire nettement ce qu'il en était, sans attendre le mois d'avril, pour que le choc soit, si possible moins rude.

Il nous faut tous nous rendre à l'évidence: une page vient de se tourner dans la vie de ces locaux et ils ne seront jamais plus comme avant. Alors, soyons forts et regardons devant nous, en pensant aux générations qui fréquentent actuellement et qui fréquenteront à l'avenir ce cher Notre-Dame Perrier.

C. DONOT

Directeur du Collège Notre-Dame Perrier

Mars 1990